Théophile Gautier; Eustache Deschamps; Mircea Eliade; Douin de Lavesne; Georges Bataille; D.H. Lawrence; E. Arsan; Jean Bodel; John Mc Gahern; Gilles Leroy; Thérèse d’Avila.

Théophile Gautier.
Dieu fit le con, ogive énorme,
Pour les chrétiens,
Et le cul, plein-cintre difforme,
Pour les païens
Pour les sétons et les cautères
Il fit le poix,
Et pour les pines solitaires
Il fit les doigts.
Nombril, je t’aime, astre du ventre,
Œil blanc dans le marbre sculpté,
Et que l’amour a mis au centre
Du sanctuaire où seul il entre,
Comme un cachet de volupté.
Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entre eux !
Que les chiens sont heureux !

Eustache Deschamps, La Ballade de Robin et Marion (1395).
Or apprenez, mon doux ami,
Cet art. Alors il la touche et prend ses mesures.
Les pages de son livre ouvrit ;
Sa plume y bouta raide et dure.
Elle cria un peu, mais elle endure.
Et lui commence à jouer :
Un, deux, trois et à redoubler.
Marion qui bien s’entendit
À solfier mit coeur et soin.
Quand elle sentit la douceur de l’art
Qui du livre fit l’ouverture,
Elle se pâma et revint sur lui,
Alors que Robin voulait se retirer.

Mircea Eliade.
On aurait dit que leur étreinte, tellement à la fin ils confondaient leurs contours, tellement notre chair disparaissait, tellement nous perdions notre respiration, dévorés elle et moi par une même bouche sanglante et insatiable.

Douin de Lavesne, Trubert (XIIIe siècle).
Elle commence à le lisser ;
Rosette le prend dans les mains,
Sans en concevoir nulle malice.
Doucement elle l’étreint et le manie,
Et le vit dresse le cou dans sa main.
[…] Elle le tient au milieu de l’échine :
Il lève la tête et elle en rit ;
Elle l’a mis à l’entrée du con,
L’y pointant le plus droit qu’elle peut,
Et Trubert ne fait pas le gracieux ;
Il le lui plante tout entier dedans…
Chacun eut sa part de plaisir à foison ;
Ils ne dormirent absolument pas de la nuit.

Georges Bataille, Histoire de l’oeil, 1928.
Ainsi, à peine m’avait-elle demandé de ne plus me branler seul (nous étions en haut d’une falaise), elle me déculotta, me fit étendre à terre et, se troussant, s’assit sur mon ventre et s’oublia sur moi. Je lui mis dans le cul un doigt que mon foutre avait mouillé. Elle se coucha ensuite la tête sous ma verge, et prenant appui des genoux sur mes épaules, leva le cul en le ramenant vers moi qui maintenait ma tête à son niveau.
– Tu peux faire pipi en l’air jusqu’au cul, demanda-t-elle ?
– Oui, répondis-je, mais la pisse va couler sur ta robe et sur ta figure.
– Pourquoi pas, conclut-elle, et je fis comme elle avait dit, mais à peine l’avais-je fait que je l’inondai à nouveau, cette fois de foutre blanc. Cependant l’odeur de la mer se mêlait à celle du linge mouillé, de nos ventres nus et du foutre. Le soir tombait et nous restions dans cette position, sans mouvement, quand nous entendîmes un pas froisser l’herbe.

D.H. Lawrence, L’Amant de Lady Chatterley, 1928.
Dans la petite cour, à deux pas devant elle, l’homme était en train de se laver, inconscient d’aucune présence étrangère. il avait le torse nu; sa culotte de futaine glissait le long de ses reins étroits. Et son dos mince et blanc était penché sur une cuvette d’eau de savon où il se trempait la tête, qu’il secouait d’un petit mouvement étrange et rapide, levant ses bras minces et blancs, pressant l’eau de savon hors de ses oreilles, rapide, subtil comme une belette qui joue avec l’eau et sûr d’être tout à fait seul.
Constance revint devant la maison et rentra dans le bois. En dépit d’elle-même, elle était vivement émue. Après tout, ce n’était qu’un homme en train de se laver. Rien de plus ordinaire.
Et pourtant, curieusement, ce fut pour elle une véritable vision : elle en avait été comme frappée au milieu du corps. Elle voyait la lourde culotte glissant des reins purs, délicats, blancs où les os se voyaient un peu; et ce sentiment de solitude d’une créature si parfaitement seule la bouleversait. Nudité parfaite, pure, solitaire, d’un être qui vit seul, et seul aussi en lui-même. Et, au-delà encore, la beauté d’un être pur; non pas la matière de la beauté, mais une irradiance, la flamme chaude, blanche d’une vie solitaire révélée en contours d’une vie qu’on pouvait toucher : un corps !

E. Arsan, Emmanuelle, 1959.
Bee soupire […] Emmanuelle humecte sur toute la longueur les bords de la vulve, en lèche l’intérieur, puis cherche le clitoris, l’aspire, le stimule de vibrations, l’adoucit de salive, le fait aller et venir entre ses lèvres comme un phallus minuscule […]. Ses doigts sont tout humides. Elle les fait courir entre les fesses […] Le doigt s’enfonce jusqu’au bout. Alors seulement, Bee crie.

Jean Bodel, Gombert et les deux clercs (entre 1190 et 1194).
Par le coeur de Dieu, je viens de foutre,
Et tu sais qui ? La fille de l’hôte.
J’en ai joui de tous les côtés,
Je lui ai bien percé son tonneau.

John Mc Gahern.
[…] goûter encore une fois cet instant frémissant, le tenir, le connaître et le laisser s’en aller, tel un passereau captif dont nous sentons les pulsations sous nos doigts avant de le libérer dans l’air clair.
« Maintenant, oui ! Oh mon Dieu ! » l’entendis-je s’écrier à la seconde de l’envol.

Gilles Leroy, Alabama Song.
Je n’avais jamais regardé un homme dormir, je veux dire : l’homme nu de l’amour. Sa poitrine se soulève, lente, impressionnante, le duvet sur son torse se hérisse, duvet encore perlé de sueur. Plus bas je glisse, le duvet se fait dense et la toison plus sombre, friselée et soyeuse, est une cachette brun-roux où dort dans son étui de peau fine le sexe détendu, couleur d’acajou, si différent des autres appendices que j’ai pu connaître et qui ne furent pas bien nombreux mais plutôt rosâtres, plutôt anémiques – froncés, renfrognés dans la nuit de la honte –, semblables à ces larves d’hannetons que la terre transie cache dans son hiver.
J’aime cet homme brun, cet homme à la peau tannée, à l’odeur violente, au sexe brûlant qui en moi se répand par longues saccades. « Ça y est, Chérie, je gicle » ; et je voudrais trouver les mots pour lui répondre mais je ne les connais pas. Alors je me contente de crier que j’aime.

Thérèse d’Avila, le Château de l’âme, 1577.
L’Epoux fait fermer les portes des demeures, et même celles du château et de son enceinte, dès qu’il veut élever l’âme au ravissement. On perd la respiration de telle sorte que, si parfois on garde encore quelque temps l’usage des sens, il est absolument impossible de parler. D’autres fois, l’usage des sens cesse aussitôt, les mains se refroidissent, et le froid gagne tellement le corps qu’il semble séparé de l’âme; parfois même on ne peut distinguer s’il respire.
Cela ne dure guère, je veux dire dans le même état. Car ce grand ravissement venant à se ralentir, le corps semble revenir à lui-même et reprendre haleine pour mourir de nouveau et donner à l’âme plus de vie. Malgré tout, une si grande extase n’est pas de longue durée. Cependant, bien qu’elle soit passée, il arrive que la volonté reste tellement enivrée, que l’entendement, qui est si absorbé durant le jour et même plusieurs jours, est incapable, ce semble, de rien comprendre en dehors de ce qui peut exciter la volonté à aimer.