L’amour et la sexualité évoquées par des sexologues et des philosophes.
Yves-Alexandre Thalman; Catherine Cudicio; Philippe Brenot; André Comte-Sponville; Michel Angot; Nietzsche; Kant; Schopenhauer; Montaigne …

Yves-Alexandre Thalman « Décodeur sexuel ».
Lorsqu’on observe des ébats sexuels, chez les animaux ou chez les humains, on est souvent frappé par l’agressivité qui s’en dégage. Parfois on a l’impression d’une lutte plutôt que d’une étreinte.
C’est dire si les forces du désir puisent à la même source que celles de l’agressivité. A trop vouloir l’aseptiser, peut-être ampute-t-on le désir d’une part de sa vitalité.

Catherine Cudicio « Avoir une sexualité épanouie » (Eyrolles)
Les déterminismes sociaux influencent la représentation de la sexualité,
délimitent le permis de l’interdit et entourent les membres de la
communauté humaine d’un réseau inextricable de croyances, de certitudes,
de traditions et d’obligations.

Yves-Alexandre Thalman « Décodeur sexuel »
Les fantasmes, en tant que scénarios érotiques, recèlement bien plus de vertus que d’être simplement des générateurs d’excitation sexuelle.
– Sortir de la routine en donnant un nouveau souffle aux échanges érotiques, plus de diversité dans les rôles habituellement figés des amants.
– donnent la clé des besoins émotionnels cachés de la personne, mettre en oeuvre l’action pour les combler.
– ouvre un espace érotique ludique dans la relation
L’imaginaire érotique est illimité, il peut contenir bien plus que la réalité ne pourra jamais offrir.

Philippe Brenot « Le Sexe et l’Amour » (éd. Odile Jacob)
Dans qu’est-ce que l’amour, André Comte-Sponville précise (…) : « Si l’amour est manque, et dans la mesure où il est manque, nous n’avons guère le choix qu’entre deux positions amoureuses. Soit nous aimons celui ou celle que nous n’avons pas et nous souffrons de ce manque : c’est ce qu’on appelle un chagrin d’amour. Soit nous avons celui ou celle qui ne nous manque plus, puisque nous l’avons, que nous n’aimons donc plus puisque l’amour est manque, et c’est ce qu’on appelle un couple ».
Cette caricature n’est pas si exagérée que cela, nous en savons bien la réalité lorsque le désir disparaît dans un couple fusionnel par la présence constante de l’autre.

Michel Angot L’art érotique hindou.
L’érotisme sert de trame pour lire le monde : la pratique sexuelle est assimilée à la pratique rituelle et inversement. (…) Selon les textes, il y a bien un ordre universel, dynamique mais celui-ci n’est pas acquis, l’élan créateur s’émousse dans la création et il faut donc l’alimenter sans cesse, l’animer ou le ranimer. Et ce désir, spécialement le désir d’amour, est ce qui alimente et reproduit le monde.
Cette idée court tout au long des multiples cosmogonies imaginées en Inde : la création est moins un acquis qu’un processus continu, toujours menacé. Il n’y a d’ailleurs pas que les humains et les animaux qui participent de ce désir : dans les rituels toutes les choses sont sexuées.
Parce que le désir amoureux est le prototype du désir et que l’amour n’est point affaire de coeur mais de corps, il trouve son accomplissement dans des rituels qui visent tous à reproduire le monde, donc à le reproduire et à soutenir la création. Celle-ci ne se limite évidemment pas à la génération humaine et c’est tout l’univers qui est convié à des noces cosmiques.

Catherine Cudicio « Avoir une sexualité épanouie » (Eyrolles)
La presse féminine s’adresse à ses lectrices, en présumant
qu’elles endossent la responsabilité de la qualité érotique de leur relation de couple.
L’abondance de recettes pour des câlins supposés raffinés
intéresse peut-être les plus libertines, mais peut aussi choquer les autres, qui vivent cette avalanche de « trucs érotiques » comme une
intrusion dans leur intimité.

André Comte-Sponville « Le Sexe ni la mort ».
La chair est triste quand il n’y a que la chair […] Qui « n’a de jouissance qu’en la jouissance » (Montaigne) n’y connait rien. L’amour physique est comme la « chair de porc, que la sauce diversifie » (ibid.). L’art et la manière importent au moins autant que l’ingrédient.
Disons que l’érotisme commence où la physiologie s’arrête : quand il s’agit d’autre chose, précisément, que de « décharger ses vases » (ibid.) … Le plaisir sexuel n’est vraiment délectable que par ce que l’âme y ajoute, mais l’est alors davantage que tout autre. […] Les plaisirs de la chair valent mieux que les « pensées ennuyeuses » ou « les chagrins mélancoliques » (Montaigne). »

Friedrich Nietzsche.
A-t-on le droit d’appeler Eros un ennemi ? Les sensations sexuelles, tout comme les sensations de pitié et d’adoration, ont ceci de particulier qu’en les éprouvant l’homme fait du bien à un autre être humain par son plaisir – on ne rencontre pas si souvent de ces dispositions bienfaisantes dans la nature !
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Le mépris de la vie sexuelle, toute souillure de celle-ci par l’idée d’ « impureté », est un véritable crime contre la vie […]

Arthur Schopenhauer.
« Aussi le désir sexuel est-il le plus fort de tous les appétits : il est « le désir qui constitue l’essence même de l’homme », la manifestation la plus parfaite du vouloir-vivre, « le centre invisible de tous les actes », enfin « le maître véritable et héréditaire du monde ». Qu’est-ce qu’un être humain ? « Un instinct sexuel qui a pris corps. » […]
[…] La sexualité est au service de l’espèce, non de l’individu ? C’est donc aux individus de mettre la sexualité à leur service aussi […]. »

André Comte-Sponville « Le Sexe ni la mort ».
« Qu’est-ce que l’inclination sexuelle ? « Un appétit de jouissance orienté vers autrui », répond Kant. C’est comme un « sixième sens, par l’intermédiaire duquel un être humain éprouve un appétit pour un autre », qui peut ainsi devenir pour lui « un objet immédiat de jouissance ». […] le penchant sexuel, qu’on appelle aussi amour (au sens le plus étroit du terme), est en fait le plus grand plaisir des sens qu’on puisse prendre à un objet. »
C’est pourtant tout autre chose qu’un simple « plaisir sensible ». La jouissance est d’autant plus vive, en l’occurrence, qu’il ne s’agit pas d’une simple satisfaction utilitaire ou esthétique, mais bien de « jouir d’une autre personne ». La sexualité prend ainsi le contre-pied de la morale, qui stipule qu’on doit toujours « agir de telle sorte qu’on traite l’humanité, aussi bien dans sa propre personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». […]
« On ne peut posséder qu’une chose, et un sujet ne saurait en être une. C’est pourquoi « un être humain ne peut même pas être propriétaire de soi-même, encore bien moins d’une autre personne »; il ne peut en posséder que « l’usufruit », autrement dit le droit d’user et de jouir du corps de son partenaire, mais à la triple condition de l’égalité, de la réciprocité et de la liberté, qui garantissent seules l’acceptabilité morale du rapport sexuel. […] »
« Le sexe, à cet égard, n’est pas un divertissement comme un autre : il est le plus animal de nos plaisirs, quant à sa source, et le plus humain quant à son objet » […]
« Quelque chose d’essentiel se joue là, dans une tension toujours instable, qui fait de l’amour physique ce qu’il est : le plus troublant de nos plaisirs, et d’autant plus délectable qu’il nous trouble davantage. »

Montaigne.
Qu’a fait l’action génitale aux humains, si naturelle, si nécessaire et si juste, pour n’en oser parler sans vergogne {sans honte} et pour l’exclure des propos sérieux et réglés ?
Nous prononçons hardiment : « tuer », « dérober », « trahir »; et cela {parler de sexe}, nous n’oserions qu’entre les dents ?