Différences entre érotisme, sexe et pornographie.
La différence entre sexualité et érotisme peut renvoyer à une distinction entre les animaux et les êtres humains : les animaux ont des relations sexuelles, il s’agit d’un besoin primordial et naturel qui relève de l’instinct dans un but de procréation, tandis que les humains sont en mesure de transformer la sexualité par l’imagination, ils ont une vie érotique qui repose sur la créativité, l’imagination et la capacité à renouveler les formes de pensées, une capacité à anticiper mentalement.
L’être humain peut imaginer l’acte sexuel sans avoir à le pratiquer, et c’est à travers l’exploration de l’imagination érotique que naissent les fantasmes. La sexualité se définit dès lors comme une expérience transcendante pas uniquement centrée sur le « sexe physique », et où ne règne pas le « tout, tout de suite » consumériste, au profit d’un temps différé qui intensifie le désir. L’érotisme se caractérise moins par l’opposition d’un implicite à l’explicite de la pornographie que par ce temps plus long qui est celui de la représentation et de l’imaginaire.
Inventer est certainement le maître mot de l’érotisme. (…) Inventer, c’est créer une nouveauté qui touche et surprend l’autre, donc qui entretient l’intérêt et le désir. (…) Et cette invention se donne tous les moyens pour susciter de l’attention, des gestes, des mots, des fantaisies. Cette invention est le témoin de l’intérêt porté à l’autre et de la capacité à comprendre le désir du partenaire.
« Le Sexe et l’Amour » Philippe Brenot (éd. Odile Jacob)
Ainsi, par la liberté de la créativité et de l’expression individuelles, constitutives de l’intelligence érotique, la sexualité s’élargit vers de nouveaux horizons, de nouvelles réalités où règnent la culture du plaisir pour lui-même et le jeu avec le désir dans une dimension relationnelle. Aussi, comme l’a souligné le romancier Honoré de Balzac, l’érotisme dépend non seulement de la mentalité sexuelle d’un individu, mais également de la culture et du temps présent dans lequel il s’inscrit.

3 citations pour un éclairage sur l’érotisme.
L’être humain, pour sa part, ne se contente pas de copuler. Il y met une dimension relationnelle, émotionnelle, voire spirituelle : l’être humain fait l’amour. Il invente l’érotisme et joue de ses formidables capacités cérébrales pour célébrer le sexe dans une fête de tous les sens et atteindre des plaisirs ineffables. L’érotisme est à la sexualité ce que la gastronomie est au fait de se nourrir. C’est pour cette raison que faire l’amour, contrairement à l’acte sexuel brut, cela doit s’apprendre.
Peut-être est-ce cette dimension érotique que nous sommes en train de perdre ? À tout dire, à tout montrer, à tout normaliser, on perd la dimension mystérieuse de la sexualité pour la réduire à sa pure facette corporelle ou fonctionnelle. Et pourtant le sexe, c’est tellement plus que la génalité !
Décodeur sexuel – Yves-Alexandre Thalmann (First Edition)

L’érotisme (…) commence où la physiologie s’arrête : quand on fait l’amour pour le plaisir de le faire, non pour faire des enfants, soit, mais pas non plus pour le seul plaisir (l’orgasme) qu’on en attend. Un rapport sexuel n’est véritablement érotique que lorsqu’il s’agit d’autre chose que de « tirer un coup », comme on dit vulgairement, ou, pour parler comme Montaigne, de « décharger ses phases ». C’est par quoi l’érotisme touche plus à la psychologie (…) qu’au simple fonctionnement des organes, et au désir (…) davantage qu’au plaisir. (…). L’érotisme a certes à voir avec les plaisirs de la chair. Mais il n’est d’érotisme que pour l’esprit.
L’érotisme instaure comme une réflexivité du désir, lequel se prend lui-même pour objet, mais vécue, presque toujours, dans une relation au désir de l’autre : c’est jouir de désirer, ou d’être désiré, plutôt que désirer jouir (même si ces deux dimensions, comme chacun peut l’expérimenter, existent simultanément et se renforcent l’une l’autre).
André Comte-Sponville

C’est quoi l’érotisme ?
(…) l’érotisme consiste davantage à faire monter le désir qu’à le satisfaire, ou sinon pas trop vite…
(…)
On ne le dira jamais assez : l’érotisme se passe avant tout dans la tête. Avant même de devenir une expérience physique, c’est une expérience mentale. Avant d’être incarné dans une personne, dans une image, dans un contexte, dans une action, l’érotisme existe à l’état virtuel dans notre esprit. Seule notre imagination peut donner une signification sensuelle ou sexuelle à certaines personnes, à certains corps, à certaines attitudes, à certains actes, lesquels seraient peut-être dénués d’intérêt pour tout autre individu que nous.
Petit traité de l’érotisme.
3 ouvrages pour aller plus loin.

– Histoire de l’érotisme : De l’Olympe au cybersexe de Pierre-Marc de Biasi
– L’érotisme et l’amour de René Etiemble
– Petit traité de l’érotisme de Michel Dorais